A propos du projet

Plusieurs questions guident notre réflexion : quelles normes et dispositions de genre les parents (mères et pères) reçoivent-ils et transmettent-ils à leurs filles et à leurs garçons ? Comment s’accomplit le travail parental de socialisation de genre sur les nourrissons puis sur les très jeunes enfants et quels en sont les effets ? Comment les parents font-ils face, en pratique, aux injonctions plus ou moins explicites qui leur sont faites à traiter de façon égalitaire filles et garçons, mais aussi à différencier et singulariser chaque enfant ? Quelles sont les variations sociales de ces pratiques éducatives genrées selon le capital culturel et/ou économique et de la trajectoire de mobilité des parents ?

L’architecture du projet combine deux ensembles thématiques, d’une part, et trois axes d’analyse transversaux, d’autre part.

Deux ensembles thématiques

  • Nous portons notre attention sur une dimension centrale de la socialisation : le corps. La construction des dispositions de genre passe par des pratiques, des injonctions et des modèles impliquant le corps. Il s’agit de décrire les goûts et les pratiques concrètes des parents en matière de soins corporels de puériculture (toilette, hygiène, alimentation), de soins de l’apparence corporelle (corpulence, habillement, etc.), d’éducation à la motricité et à l’autonomie corporelle (repas, activités d’éveil corporel, usage du pot), ainsi que d’organisation de la mixité ou de la séparation sexuée des corps des tout petits (chambre, sociabilité).

  •  Nous nous attachons également à décrire la division du travail parental et les arrangements parentaux, qui donnent à voir aux très jeunes enfants, une organisation genrée – ou non – de la famille et des rôles sociaux. Les recherches ont montré qu’hommes et femmes ne s’impliquent ni autant ni de la même manière auprès de leurs enfants : malgré une implication paternelle croissante, les pères restent en retrait (Champagne et al., 2015), plus encore lorsqu’il s’agit de s’occuper d’une fille (De Saint Pol et Bouchardon, 2013). Aujourd’hui encore, les mères se voient confier (et/ou s’attribuent) préférentiellement des tâches liées à l’apparence corporelle pendant que les pères semblent davantage s’impliquer dans des activités de sorties, de jeux (Brugeilles et Sébille, 2009, 2011). Dès lors, nous analysons le rôle de chacun des parents avec chacun de ses enfants, selon son sexe.

Trois axes d’analyse transversaux

  • Une approche combinée du genre et de la place dans la famille, dans les différentes configurations familiales. On s’attache plus particulièrement aux différences de socialisation en tenant compte conjointement du sexe et du rang de naissance pour saisir les effets combinés de la position générationnelle dans la famille et du genre (Clément et al., 2019). Cela permet de vérifier l’existence d’une « sexuation de la pédagogie parentale » (Langevin, 1999) et de la confronter au discours parental qui prône souvent la norme d’égalité entre les enfants. La diversité des configurations familiales (foyer monoparental, recomposé…) est aussi considérée.
  • Positions et trajectoires sociales. Nous observons les variations des pratiques éducatives genrées en fonction de la dotation en capital culturel et/ou économique et de la trajectoire de mobilité des parents. Notre démarche vise à décrire en détail les variations sociales internes à chaque groupe social et fraction de groupe, en allant au-delà des grands clivages sociaux (classes supérieures, moyennes, populaires). L’origine et la trajectoire migratoires sont ici également prises en compte.
  • Une approche temporelle de la socialisation sexuée. Les normes de genre et les comportements qui y sont associés ne sont pas statiques, mais malléables et évolutifs. Notre perspective longitudinale permet d’inscrire le processus de socialisation, les normes de genre et les pratiques parentales dans l’évolution des configurations familiales et socio-économiques au cours de la petite enfance (situation du couple, fratrie, emploi, logement). Elle enrichit l’analyse en y introduisant la construction de l’expérience parentale et la réflexivité des mères et des pères sur leurs pratiques au cours du temps. Nous pouvons alors mettre au jour comment les normes, les goûts et les pratiques de genre évoluent au fil des ans, des naissances, des éventuelles reconfigurations familiales.