Évènements

Participations aux conférences

10e congrès de l’Association française de sociologie, 4-7 juillet 2023 à Lyon :

RT 33 : Penser les circulations et les intersections dans le champ de la famille et de la vie privée / Axe 2. Circulation des idées et des biens dans les familles et la vie privée

Christine Hamelin, Agnès Pélage et Alexia Ricard présentent "Recourir à la tétine puis s’en défaire : une pratique parentale socialement différenciée".

En France, donner la tétine (la « sucette ») à son enfant est une pratique très courante. Soumis à des préconisations médico-psychologiques et à des normes de parentalité, le recours à ce bien matériel de puériculture jouant un rôle important dans les pratiques parentales dans la perspective de répondre aux besoins de l’enfant est pourtant peu exploré par les sciences sociales.

Dans cette communication, nous présenterons une recherche en cours sur l’usage de la tétine de la naissance à 3,5 ans, en abordant cet objet comme un vecteur de pratiques parentales qui se déploient au cours de la petite enfance et qui, à ce titre, s’observent comme des pratiques dynamiques, socialement situées et bordées par des normes psycho-médicales et sociales, plus ou moins mises à distance. Ce travail s’inscrit dans une recherche sociologique collective plus globale sur des pratiques parentales de socialisation des tout petits.

Notre recherche est fondée sur l’exploitation des données statistiques de l’enquête longitudinale française sur l’enfance (ELFE) (données aux 2 mois, 1, an, 2 ans, 3,5 ans). Elfe permet d’explorer, pour la première fois en France, sur un échantillon représentatif de la population générale, les pratiques de soin et d’éducation de nourrissons et de très jeunes enfants. Le lien entre le recours à la tétine dans la durée et une série de caractéristiques sociales et familiales est étudié à partir d’analyses bi-variées et de régressions logistiques.

Nos résultats confirment qu’il existe un lien très fort entre le recours à la tétine et le mode d’allaitement. Pour autant, ce lien n’épuise pas les enjeux autour d’une pratique très généralisée en France aux 2 mois du bébé et encore relativement prégnante à ses trois ans et demi. 

Alors que la tétine est essentiellement perçue comme une réponse à un besoin de succion ou de réconfort de l’enfant, son usage apparait fortement structuré par certaines caractéristiques sociales et familiales : l’âge de la mère, le rang de naissance de l’enfant, la CSP, le statut d’activité des femmes. De même, le recours à la tétine est très culturellement marqué : les mères d’origine immigrée se distinguent par un recours relativement peu fréquent à la tétine, à tous les âges de l’enfant. Enfin, les pratiques sont différenciées selon le sexe de l’enfant. Mais au fur et à mesure que l’enfant grandit, ces variations sociales n’opèrent pas de manière uniforme.

L’usage de la tétine participe de la construction précoce de la différenciation sociale des modèles et de pratiques éducatives auprès des touts petit. Il exprime des normes familiales, médicales ou institutionnelles mises en œuvre ou mises à distance dans les relations quotidiennes des parents avec leurs enfants très rapidement après la naissance.

 

Children of the noughties: a conference to celebrate 21 years of the Millennium Cohort Study, 13-14 juin 2023 à Londres :

Yoann Demoli, Christine Hamelin, Carole Brugeilles, Olivia Samuel et Alex Sheridan présentent "Parental care during the first year of life: gender and social variations in practices and tastes (ELFE)".

Depuis les années 1970, des changements importants sont intervenus dans les normes parentales et l’injonction est de plus en plus forte de mieux partager le travail parental entre les deux parents. Cela s’est effectivement traduit par une participation accrue, bien qu’encore inégale, des pères à la prise en charge des enfants. Ce que l’on connait moins, c’est le rapport que les pères et les mères entretiennent avec les tâches parentales. Prennent-ils plaisir à s’occuper de leurs enfants, conformément à une norme de "bonne" parentalité, ou se sentent-ils obligés de le faire ? Évitent-ils carrément certaines tâches ?

A partir de deux vagues de l’enquête longitudinale française sur l’enfance (ELFE), cette présentation vise à analyser l’évolution, ainsi que les variations sociales, des goûts des mères et des pères pour six types de soins courants apportés aux nourrissons à deux mois et un an. Plus précisément, nous connaissons pour environ 10 000 nourrissons aux deux périodes les goûts déclarés des mères et des pères pour six tâches : changer les couches, nourrir, donner le bain, couper les ongles, se moucher, traiter les irritations. Chacune de ces tâches peut être déclarée de quatre manières par chaque parent : tâche appréciée ; tâche contrainte ; tâche évitée ; non concernée.

L’objectif de cette analyse sociologique des rapports des parents aux soins du nourrisson est triple : a) Tout d’abord, décrire les variations des goûts selon les tâches, en fonction de l’âge de l’enfant. Certaines tâches sont plus appréciées que d’autres, comme le bain, alors que d’autres, comme la coupe des ongles, le sont moins ; et un même soin est plus ou moins apprécié selon l’âge de l’enfant : par exemple, le bain à deux mois est plus apprécié qu’à un an. b) Cette hétérogénéité des goûts répond également à une logique genrée ainsi qu’à un gradient social que nous explorons : si les mères sont plus enclines à apprécier tous les soins que les pères, les variations sociales (par exemple selon le niveau d’études des parents, le niveau d’éducation, etc. c) Enfin, nous voulons comprendre l’évolution des goûts pour ces différents types de soins à différents niveaux : d’abord, au niveau individuel, pour chaque parent ; ensuite, au niveau des couples, pour comprendre comment ces goûts s’articulent entre les parents : détecte-t-on une logique de complémentarité, d’accumulation ou de substituabilité ?

Afin de répondre à ces trois questions de recherche, nous réalisons des analyses multivariées, fondées sur des méthodes de modélisation logistique et d’analyse géométrique des données.

 

3ème Congrès international, de l’Institut du Genre, 4 au 7 juillet 2023 à Toulouse :

Anne Paillet, Carole Brugeilles et Olivia Samuel présentent "Qui s’occupe des nourrissons ? Cumuls de charges et pouvoirs d’évitement chez les mères et les pères de la cohorte Elfe".

Cette communication a pour objet la division conjugale du travail sur les nourrissons. Elle pointe l’importance de cette période dans la production et reproduction des inégalités de genre. Qui fait quoi ? Qui change les couches ? Se lève la nuit ? Donne les bains ? Mais aussi qui apprécie de s’occuper du nourrisson pour tel ou tel soin – et qui n’aime pas le faire ? Et qui a, ou non, le pouvoir d’échapper aux soins non appréciés ? Ces questions, qui renvoient à l’expérience ordinaire des mères et des pères, méritent d’être examinées quand on veut étudier le système de genre dans lequel une accumulation de charges repose sur les femmes et explorer ses variations sociales. 

Données : Nous exploitons des données statistiques de l’Étude Longitudinale Française depuis l’Enfance (Elfe) issues des questionnaires auxquels mères et pères ont répondu lorsque leur enfant avait 2 mois (en 2011). La population analysée est celle des couples cohabitants hétéroparentaux. Nous exploitons deux séries de questions : l’une porte sur la répartition des soins au nourrisson au sein des couples, l’autre sur les goûts et attitudes vis-à-vis de ces soins. 

Résultats provisoires : Les inégalités dans la répartition des tâches parentales et le cumul de charges familiales sont massives dans tous les milieux, pour tous les niveaux de diplômes, mais s’y déclinent un peu différemment, notamment selon les tâches. Les femmes les plus diplômées sont un peu moins nombreuses à réaliser seules le travail de puériculture, mais les cumuls de charges (allaitement, présence d’enfants aînés, tâches ménagères) et les situations contraintes sont tout aussi fortes pour elles que pour les femmes peu diplômées. L’investissement masculin, limité et ciblé, est marqué par le pouvoir d’échapper aux soins non appréciés. Les femmes n’ont pas ces marges de manœuvre et cumulent les charges : celles qui allaitent au sein, ou assurent seules le ménage ou ont plusieurs enfants se chargent d’autant plus des soins au nourrisson. La division du travail, les cumuls de charges et les pouvoirs d’évitement font système ; ils structurent et sont structurés par des inégalités de genre massives, généralisées mais socialement situées.